vendredi, juillet 28, 2006

QUE SONT LES ENNEMIS DE MOBUTU DEVENUS?

RD-CONGO
LES PÈRES FONDATEURS

Le maréchal Mobutu est mort et enterré. Près d’une décennie plus tard, la lutte pour sa succession captive. Presque autant qu’elle capture les aspirations des Congolais à la normalité. Si tant est qu’ils aient jamais réellement connus ce qu’est une vie normale. "Le bon vieux temps?" Ceux qui ont 46 ans aujourd’hui- l’âge de l’indépendance de la rdc- ne peuvent témoigner que d’une liberté orientée par les aberrations mobutistes. Cependant qu’ils déplorent aujourd’hui la liberté surveillée des errements kabilistes. Père et "fils".
Les ex-Zaïrois ne sont vraisemblablement pas encore remis de l’abrupt passage du mobutisme au kabilisme, I et II. Le président actuel, Joseph Kabila, qui pilote la transition au petit bonheur la chance, semble surgir de nulle part. D’aucuns disent de l’étranger. Et ses principaux contempteurs, Étienne Tshisekedi et Antoine Gizenga, s’opposèrent déjà à Mobutu. L’un par action, et l’autre… par omission.
Ils s’opposent à Joseph Kabila de la même manière qu’ils le firent jadis pour Mobutu. En tirant de tous les côtés. Mais jamais sur la cible. Ils s’opposent! Tout simplement. Chacun conduisant aveuglement son parti vers nulle part, par la foi, convaincus en la justesse des pères fondateurs.
Lors même ils ne le disent pas, ils se pensent indispensables. Et partant inamovibles. En tous les cas ils se comportent comme tels. Et leurs partisans, du moins ceux de l’extérieur, donnent à penser qu’ils ont raison. Des hommes providentiels!
Le culte de la personnalité, encore aujourd’hui, interdit d’interroger les capacités et occulte l’imputabilité. Les mythiques- voulus charismatiques- sont, de par ce singulier statut, dispensés de la nécessaire exigence des résultats.
La rdc, manifestement, ne s’est pas encore éloignée de la culture mobutiste.
EMERY G. UHINDU-GINGALA



Antoine Gizenga et Étienne Tshisekedi constituent sans conteste les figures emblématiques de l’opposition au pouvoir de Kinshasa. Ils ne le doivent qu’à Mobutu. Diversement. Le mythe de Gizenga ne s’est construit sur…rien. Allié de Patrice-emery Lumumba (premier chef de gouvernement du Congo indépendant), Gizenga échappa in extremis aux griffes du léopard-Mobutu en s’exilant à Moscou. Il s’y tint coi. Trente ans durant. L’avènement de Kabila père (Laurent-désiré), lui-même lumumbiste convaincu, permet à l’apatride de sortir de la clandestinité dans laquelle il est tapi. Gizenga revient au pays. Triomphalement….Et prend naturellement la direction du parti lumumbiste (PALU). Faveur imméritée, réputation surfaite, le vieil homme- déjà un vieillard- ne doit sûrement pas comprendre sa chance. Il se serait probablement contenter, sans rechigner, d’un titre honorifique. Mais se voir présenter comme un prétendant à la magistrature suprême du pays, se voir propulser à proximité d’un but qu’on ne veut ni ne peut atteindre; et ce, au soir d’une vie peu remplie. Donner le change en attendant le grand jour…de sa mort! Voilà l’étrange consécration de Gizenga. Car l’homme ne peut offrir ce qu’il n’a pas : l’expérience pertinente, les aptitudes à diriger, ou une vision, un projet pour un pays qui en a cruellement besoin. Ni le PALU, ni le Congo n’ont réellement besoin d’Antoine Gizenga. Aujourd’hui comme demain.
On doit cependant lui reconnaître l’indéniable capacité de mobiliser la population kinoise (les résidents de la capitale congolaise), laquelle appartient dans sa majorité à sa province d’origine.

Moi ou rien
Antoine Gizenga et Étienne Tshisekedi ont peu de choses en commun. Sinon rien.
Le premier tente de prendre racine dans une histoire qu’il n’a pas forgée. L’autre y a taillé sa place parfois à son corps défendant, bon gré, mal gré. Souvent plus tôt mal que bien. Ses hauts faits- et il n’y en a qu’un seul de notable- sont réellement historiques : Étienne Tshisekedi est le véritable tombeur de Mobutu. Opposant de l’intérieur, un des rares, il a longuement mais efficacement entamé le socle sur lequel reposait le régime mobutiste. Pour l’offrir à Laurent-Désiré Kabila. Depuis –même un peu auparavant- l’homme évolue dans une valse-hésitation perpétuelle, donnant l’impression de qui ne sait décidemment pas ce qu’il veut. On le sait pourtant : ce qu’il veut, c’est le pouvoir. Mais sur un plateau d’argent! Il se réfugie derrière un "légalisme" de façade émaillé de compromissions plus ou moins graves au regard du patriote qu’il souhaiterait incarner aux yeux des Congolais. Son escapade rwandaise –que d’aucuns traitent d’allégeance au pouvoir tutsi- a sérieusement entamé la crédibilité du vieillissant leader. Étienne Tshisekedi ne s’en remettra probablement jamais. Politiquement. Parce qu’en Rdc aujourd’hui, avoir les mains propres c’est s’interdire de frayer avec le régime ennemi du Rwanda. Tshisekedi avait lui-même placé la barre trop haute. Les Congolais ne lui pardonnent pas d’avoir fait comme les autres
L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), jadis un parti réellement national, voit peu à peu son audience s’amenuiser comme peau de chagrin au gré des errements de son chef. Au point de réduire sa base populaire en une plateforme ethnique!
L’Udps est le parti politique Congolais qui s’est le plus longtemps inscrit dans la durée. Après le Mouvement populaire de la révolution (MPR) de feu le maréchal Mobutu; lequel a éclaté en de milliers de constellations autour de la terre.
Il est troublant que le parti de Tshisekedi n’ait, à ce jour, jamais proposé un programme politique. Ne serait-ce que pour des fins électoralistes. Hormis les lieux communs que tous ânonnent en chœur : développement, progrès social…
Mais comment?
Etienne Tshisekedi ne semble guère préoccupé par cette question. Il est, lui, un opposant. Et il s’oppose. Il réagit. Il n’a cessé de le faire depuis plus de deux décennies.
Il appartient à ceux qui sont au pouvoir de proposer! Un argument-massue que ses partisans portent à bout de bras. Faute de mieux. Pour le pire : l’improvisation tous azimut aux conséquences quelquefois tragiques pour une population durement éprouvée par les sautes d’humeur et les volte-face de celui qui fut l’enfant terrible de l’ère mobutiste. De cette période Tshisekedi a gardé la culture dont il est fortement imprégnée. Aussi, à l’instar du parti-état de Mobutu, l’Udps se présente aujourd’hui comme le parti-état…de l’opposition! L’Udps n’a jamais organisé un congrès en plus de vingt ans d’existence. Un mécanisme susceptible de mettre à mal la légitimité du "chef charismatique". Et de l’intérieur, officiellement du moins, nul ne semble interroger cette énième incongruité. L’homme incarne donc, personnifie à lui seul l’organisation.
Il est l’Udps! Contre vents et marées, contre ses co-fondateurs (Ngalula et Kibasa-Maliba).
L’Udps demeure encore le plus grand parti de la Rdc. Et mérite une direction plus éclairée. Etienne Tshisekedi, son chef, fut un grand leader politique. Dans une autre vie. Il n’a jamais su s’adapter aux diverses ruptures des contextes politiques qu’a connues le pays depuis la chute de Mobutu. Une instabilité presque chronique, alliée à des capacités intellectuelles pour le moins douteuses suffisent pour que l’homme soit une nuisance pour son parti. Et un danger pour son pays.
Il est impossible que personne, au sein de l’Udps, ne s’en soit jamais rendu compte.

jeudi, juillet 27, 2006

LE DROIT AU NOM

MON DERNIER, C’EST LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Wole Soyinka, prix Nobel de littérature 1999, posa un jour ceci: « …Le tigre ne crie pas sa tigritude». L’écrivain Nigérian pourfendait ainsi l’affirmation de sa négritude par le… Nègre; égratignant au passage Léopold Sédar Senghor et tous les autres chantres de la négritude. On doit cependant porter au crédit de ces derniers le fait que certains contextes justifient -exigent- que l’on proclame sa tigritude : Les étudiants Noirs (Africains et Antillais) de la France coloniale ont sans conteste contribué, concurremment aux courants Black is beautiful des Afro- Américains, à une prise de conscience certaine, une réappropriation identitaire que la traite des Noirs et la colonisation avaient falsifié, violé. À dessein.
Fierté et caution morale par le Noir, pour le Noir.
D’abord.
Révélation au Blanc du Noir pensant…
EMERY UHINDU-GINGALA


À des années-lumière de l’éveil de la conscience noire, un pays, africain de surcroît, crie, vocifère sa tigritude. A tort il va sans dire. La République démocratique du Congo (ex-Zaïre) porte mal son nom. En ce sens qu’elle usurpe une caractéristique -la démocratie- dont elle n’est pas dotée. Même si elle est loin d’être seule dans son cas, les autres dictatures à l’entour ont la prudence de ne point se prévaloir de ce à quoi elles n’aspirent pas. À contrario, la Rd-Congo veut atteindre à la démocratie. Mais une aspiration n’est pas un donné factuel. Pour légitime qu’elle soit. Pire que pour la candeur qui accompagne la pensée magique, c’est faire preuve de légèreté que de baptiser un pays pour ce qu’elle peine à devenir au prix de milliers des morts, en ce qui concerne la Rdc. L’acte traduit l’immaturité de qui en est l’auteur, l’inconscience dans sa plus prétentieuse démonstration, sinon que le cynisme.
L’appellation, qui a fait école depuis, ne s’est justifiée que lors de l’intermède démocratique qui a succédé l’indépendance du pays en 1960. Pendant un peu moins d’un an le pays eut raison de crier sa tigritude. Puis vint le "le léopard" Mobutu, que la chose n’intéressait guère outre mesure. Il eut "l’honnêteté" de le faire savoir en débaptisant le pays. Il dit Zaïre, que d’autres, les intellectuels, expliquèrent laborieusement.
Laurent-Désiré Kabila, sans doute nostalgique, revint à l’appellation d’origine. Joseph, son fils, n’a pas encore dit son dernier mot!
A supposer qu'il ait subitement des choses à dire...
Le nom d’un pays n’est pas censé proclamer une vertu, ou même des valeurs auxquelles prétendent s’attacher ceux qui sont au pouvoir. Lorsqu’il exprime une caractéristique, telle pour les États-unis d’Amérique ou le royaume uni d’Angleterre, il témoigne, clame ce qui est immuable. A moins que le statut ne vienne à changer à l’instar des Républiques socialistes soviétiques…
En Rdc, il n’est rien qui a changé. Depuis 40 ans! Sauf le nom…
Un pays qui se prévaut d’une telle versatilité avoue sa légèreté, accuse une irresponsabilité réservée d’ordinaire aux seules républiques de bananes.
Car ainsi changer de nom comporte un coût qui se répercute sur les finances publiques. Tout le matériel administratif, l’émission de la nouvelle dénomination sur la paperasserie, les passeports, les cartes d’identité, les écoles, les hôpitaux, l’entreprise privée obligée à la conformité (des frais émargeant à même son propre budget)…
Il s’ensuit sur le plan international une confusion que même parfois une décennie ne parvient pas toujours à corriger. C’est dire tout le ridicule lorsque la pratique vient à se répéter : Deux fois pour la Rdc!
Un individu se livrerait à tel exercice qu’il attirerait la suspicion sur sa personne.
Même un groupe de rock'n roll a le souci de préserver ce par quoi il est reconnu, le nom qui l’a fait connaître. Le pays de Patrice Lumumba doit probablement détenir le record mondial du changement d’identité. Faute de briller ailleurs.
Il est à craindre que la série n’en soit pas encore à son terme. Un autre hurluberlu voudra peut-être encore crier sa tigritude. Le plus triste en est que cette pusillanimité n’est due qu’aux caprices de ceux qui, à Kinshasa, sont parvenus au pouvoir sans jamais avoir sollicité la légitimité populaire.
Et qui dénient aux citoyens le droit au nom qu’ils porteront. Lequel constituera la singularité première et primaire par lequel ils s’impliqueront aux autres.
Le peuple doit seul porter la responsabilité d’un tel bouleversement identitaire. Le procès qui légitime cette exigence civile et socialisante est le référendum.
C’est ce à quoi n’a pas sacrifié la République démocratique du Congo.
C’est tout simplement un comportement des républiques bananières.

mercredi, juillet 26, 2006

BANDES DÉCIMÉES ET DESTINS ANIMÉS

Et si des astres déchirés émiettent leur éternité volée
en de volutes de feu vengeurs et aveugles
Des têtes chercheuses, intelligentes, cherchent femmes et enfants
pour de sanglantes collisions
Et si les expéditions barbares des hordes embrigadées et manipulées
déversent mort et désolation
les valeurs universelles se distillent par petites doses
en de frappes chirurgicales
Que la mort est douce sous des ogives qui libèrent la femme du voile de l’infamie.
Et devant la fulgurante fatwa venue du ciel, elles acclament, ces veuves heureuses, les têtes enturbannées qui roulent à leurs pieds, enfin dépouillées de leurs encombrantes épousailles
Elles jubilent, ces mères rassurées et votantes qui insultent, dans leur étreinte démocratique, les corps déchiquetés de leurs enfants, les mains pétrifiées sur la pierre de l’Intifada
Des comédiens Irakiens se décapitent et s’éventrent sans vergogne, en public, sous les vivats des fausses pleureuses
Mais l’amitié pour les peuples occidentaux, mais la paix retrouvée, trouvée, découverte, et les nouvelles urnes rutilantes de démocratie, mais toutes ces nouvelles choses qui explosent joyeusement à la figure...
A Bagdad et à l’entour on s’efforce un peu, on s’enfonce un peu dans le dramatique et l’atroce
Pour le plaisir des télés du monde entier

Et si des astres déchirés émiettent leur éternité volée
sans que nul ne les ait jamais vus tomber
On épargne à nos âmes sensibles et civilisées
l’agonie de ces enfants qui ne savent faire semblant
Des corps subrepticement restitués dans les cœurs gonflés de fierté des mères endeuillées. Elles marchent par les rues, pleurant l’hymne à la patrie
sur la triste mine des cercueils pourtant étoilés de leur habit d’apparat
Qu’il est doux d’être fauché aux antipodes de chez soi, même si un peu dépaysé, on exhale pudiquement son dernier souffle à l’abri des regards des siens, dans l’intimité
Et sur les torses lacérés, des médailles dorées se repaissent du sang sacrificiel des vies abîmées, pour briller

On court, la jambe bandée par un carquois de lois, les prétentions perses y trébuchent, on court, on se décolle de la terre pour le ciel, on y accourt armé de bonnes intentions
Et si les satellites, et si les élites peignent et dépeignent des tableaux aux pointillés gorgés de pétrole
Des doigts qu’aucune main ne revendique dessinent les fresques torturées d’Abou Ghraïb
Au milieu des astres, dans les étoiles, au-dessus de nos têtes couronnées de vérité se profile un bouclier protecteur, nous ne saurons jamais tout le plaisir d’être à Guantanamo

(Extrait du recueil "Excusez l’interruption", à paraître)