vendredi, mars 06, 2009

UNION AFRICAINE:

ERREUR SUR LA PERSONNE


La cape au vent, le regard constamment voilé sous d’épaisses lunettes de soleil, de jour comme de nuit, l’homme a des allures empruntant au fantasque pianiste "Liberace" et à la placidité du Dalaï-lama. Sous ces dehors de "Roi d’Ibiza" se cache un monument de versatilité et de pusillanimité. Mouammar Kadhafi n’a de cesse de donner le change : posant sa tente dans les jardins des plus luxueux palaces du monde, le "Guide de la Jamahiriya libyenne" tente de figurer l’austérité du bédouin. Sans abuser personne; car il règne en maitre chez lui, disposant à sa guise d’une immense rente pétrolière dont il n’use pas toujours à bon escient. Loin s’en faut.
En face de lui, rien…ou plutôt si : une opposition d’abord muselée, ostracisée, puis annulée et souventes fois assassinée…une opposition qui crie son agonie au loin, en exil!
EMERY G. UHINDU-GINGALA



Au vrai, il ya bien longtemps que les ridicules simagrées du colonel Kadhafi n’amusent plus personne. Sauf peut-être encore ci et là quelques nostalgiques- ceux ayant largement dépassé ou frôlant la cinquantaine- des temps, révolus, où l’homme se posait en défenseur des tiers-mondistes contre l’impérialisme de l’Occident; surtout de l’Amérique.
Or donc les chefs d’états africains, réputés pour leur promptitude à la compromission, ont, sur un jugement plus que douteux, élu ce personnage ubuesque à la présidence de l’Union africaine (UA). Partant, Mouammar Kadhafi incarnera, pour une longue et sans doute pénible année, l’image de l’Afrique.
C’est une chose, et pas des moindres, que l’Afrique soit- déjà hélas- le terreau des tares partiellement ou totalement éradiqués ailleurs : la pauvreté endémique, les épidémies, le sous-développement caractérisé, l’assistance permanente etc.
Mais de prêter le flanc à la moquerie en se farcissant d’un bouffon à la tête de l’institution panafricaine est un exercice confinant au masochisme. Sinon qu’à l’aveuglement volontaire!
Rien pour susciter l’adhésion des populations aux idéaux- ces vertus désormais voulues sacro saintes- de l’UA, lesquels sont, on peut aisément le comprendre, ce dont l’Afrique tente de se doter. Et au premier plan desquels on retrouve la démocratie, la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme. Autrement dit tout ce à quoi est ouvertement réfractaire le leader de la Jamahiriya libyenne…
Mais voilà que certains des chefs d’états africains, thuriféraires mus par un volontarisme vulgairement intéressé ont décidé, ajoutant l’insulte à l’injure, de rompre le pain avec Kadhafi dans son loufoque projet des États-Unis d’Afrique! De cette construction irréaliste, et irréalisable, cette vue de l’esprit aux contours flous ainsi que tout ce qui concerne son concepteur, on ne sait pas grand-chose; sinon qu’elle se veut une version achevée du panafricanisme cher à Kwame N’kruma. Un continuum donc. Mais qui ne tient compte d’aucune exigence politico-sociologique de l’Afrique d’aujourd’hui; ni même celle d’hier. Anachronique à souhait- le dictateur libyen ne pêche pas par excès de modernité- sa lubie est à son image : passéiste, coupée des réalités de son temps. Pour Mouammar Kadhafi le temps s’est arrêté quarante ans auparavant. Son corps a certes vieilli, mais son esprit est dramatiquement demeuré à la traine. Il tente aujourd’hui, aidé des disciples à la vision aussi vieillissante que la sienne, d’entrainer toute l’Afrique, un demi-siècle en arrière, vers le passé des autres. Cependant que l’heure est, pour toutes les organisations régionales- et même continentales- à une intégration verticale sur le modèle de l’Union européenne(UE). Lors même si celui-ci demeure perfectible ainsi que toute œuvre humaine.
Mais le "plan" du colonel et de ses encenseurs c’est- tout simplement- de réunir tous les pays du continent africain sous un gouvernement unique à la tête de laquelle, on peut le gager, se verrait bien le clownesque "Guide"; lui qui déjà se proclame, pince-sans-rire ", le roi des rois africains"!
Or donc l’Afrique, si tant qu’il en eut d’autres, est terre de diversité : du nord au sud et de l’est à l’ouest. Et quand l’on sait que cette différence- ces différends- qu’on peut même déjà retrouver dans chaque pays comme pour accroitre la complexité (sur les plans culturel, cultuel, linguistique,…), détermine, parfois dramatiquement, les comportements individuel et collectifs, on voit mal comment une telle "fusion", car c’est bien de cela dont il est question dans l’esprit embrouillé du colonel, pourrait même être envisagée.
Il n’y a qu’à considérer la Ligue arabe : sous la conduite "éclairée" du maitre de Tripoli, la Libye, au sein de la Ligue, n’a jamais réussi à cristalliser un front commun face aux défis qui se posent á l’organisation panarabe; et aucune avancée notable de cette institution ne peut être retenue au crédit de Mouammar Kadhafi. Les Palestiniens en savent quelque chose…
Au lieu de quoi la Ligue arabe offre au monde l’image d’un aréopage des pleutres gavés de pétrole; et pour le seul gain duquel ils peuvent s’entendre!
Peut-on même encore s’étonner de ce que parmi les inconditionnels du nouveau monarque autoproclamé, on trouve Abdoulaye Wade? La légendaire probité du président sénégalais, chèrement acquise pendant les années de l’opposition, n’a guère su résister à l’épreuve du pouvoir. Il faut croire que les pétrodollars libyens, entre autre chose, ont aisément réussi à altérer l’intelligence d’un homme jadis reconnu pour sa sagesse.
En ce début du deuxième millénaire, l’Afrique demeure, hélas, le dernier retranchement où sévissent encore coups d’états et putschs militaires. Il sera désormais difficile à l’UA de faire la leçon aux fossoyeurs du statu quo ante de la démocratie. L’étau vient ainsi opportunément de se desserrer sur les juntes militaires mauritaniennes et guinéennes. Elles pourront désormais compter sur une oreille attentive de celui à qui elles ressemblent : le président de l’Union africaine, le colonel Mouammar Kadhafi!
EMERY G. UHINDU-GINGALA