vendredi, juillet 10, 2009

LA RADIO DE GRANP-PERE
Un demi-siècle à peine nous sépare peut-être du temps où la voix sortant de la radio était considérée comme mythique ; sinon mystique. Dans les villages africains, et dans les grandes cités urbaines, l’on subodorait quelque étrangéité- la redoutée sorcellerie de l’homme blanc- à entendre des voix, des gens parlant à l’intérieur de cette petite boîte. Car- et la logique était imparable- ceux qui ainsi devisaient aisément dans le transistor devaient forcément s’y trouver !
Mon grand-père arguait toujours, avec la certitude de qui est dans les secrets des dieux, que ce qu’il avançait il l’avait entendu à la radio. Point final. Ses propos ne pouvaient donc souffrir la moindre discussion à cause de leur provenance quasi occulte. Or donc la radio était un médium (au propre comme au figuré) qui traçait, à elle seule, les contours d’un paradigme de la nouvelle communication d’alors. Telles étaient les choses à l’époque ; telles sont-elles aujourd’hui : le même crédo est servi pour Internet, nouveau Deus Ex Machina, et d’où chacun croit tirer la Vérité. L’outil- "La Toile", "Le Web"- aujourd’hui, contrairement à la radio d’ hier, distille une somme illimitée d’informations lesquelles, hélas, sont rigoureusement tenues pour vraies. Pourquoi ? Mais parce qu’elles sont sur Internet ! Ben voyons…
La crédibilité de la tentaculaire toile n’est plus à démontrer, Internet n’a rien à justifier, il est justifié de facto en une réflexion tautologique. Mais avec un tel panache qu’il obnubile les esprits les moins exercés à l’analyse.
Or donc le diktat d’Internet est à ce point puissant que toutes nos habitudes de vie se trouvent aujourd’hui changées, modulées, reconfigurées à l’aune de cette nouvelle panacée. Car on peut tout y faire d’un simple clic ; à partir de chez soi. Partant, notre appréhension du monde ambiant et notre relation à l’altérité sont désormais réputées virtuelles. Ou simplement cyber-réelles !
Une telle évolution/révolution de notre écologie psychologique- il n’est pas plus paradigmatique qu’Internet !- n’a pu se faire sans dommages…collatéraux. Ceux qui ne disposent guère de la "vision périphérique" nécessaire, l’essentielle connaissance générale, s’empêtrent dans la toile, englués dans une fatale naïveté. Parce que Internet fourvoie, piège, tue l’imaginaire et la créativité collectifs au profit d’une pensée unique qui ne dit pas son nom.
Religion sans spiritualité, divinité païenne et profane, totem et institution bâtarde, démiurge de la confusion, signifiant souvent l’insignifiant, territoire du digital et pervers prétendant au symbolique, Internet prône une culture orpheline qui incite et débouche au culte de l’ignorance ; débauchant au passage même des esprits d’ordinaire alertes mais trahis par une inconséquente distraction. Car Internet séduit, lorsqu’il ne déprave tout simplement pas des mœurs obligeamment disposées au sacrifice. Et à la facilité. On le sait, la tentation est grande de se pourvoir du tout cuit sur la profuse prodigalité du Web. Au profit d’un savoir bâclé, emprunté, triché, volé…
Alors même que tous y vont, chacun s’y croit incognito dans sa sombre et inavouable quête de l’insu. Aux seuls fins de bluffer ! La toile regorge des perles qui font briller en public. Ou façonnent l’homme public. Or donc le plagiat n’est pas toujours, loin s’en faut, l’apanage des ignorants. Tant il faut une dose de connaissance pour savoir quoi et où emprunter ; tel le pêcheur qui sait exactement où jeter ses filets !
Ces pêcheurs là- et néanmoins pécheurs- représentent, avec ceux dont le web constitue réellement un outil de travail, une infime minorité. Ces derniers surtout surfent sur la toile- mais c’est ni vu ni connu- dans l’opaque voisinage de pirates de tous borsa, les analphabètes, les adeptes de You-Tubes, les enfants de chœur et autres gourous-diseurs de bonne aventures, le tout dans une joyeuse et aveugle promiscuité. Heureusement, sinon d’aucuns ne s’y rendraient guère par crainte de l’amalgame…
Internet demeure un formidable outil aux applications illimitées. Il enrichit les riches et appauvrit les pauvres en esprit. Il ne peut que s’améliorer sans risque d’être jamais dépassé. A l’instar d’ailleurs de la radio. Or donc ce que l’on trouve sur l’un et ce que dit l’autre demeureront, il est à craindre, sacré. Tel ce veau d’or que jadis certains adorèrent. Mon peuple meurt faute de connaissance
EMERY G. UHINDU-GINGALA