samedi, mars 06, 2010

Sois comme un loup blessé qui se tait pour mourir
Et qui mord le couteau, de sa gueule qui saigne

Leconte de Lisle, Poèmes barbares.

ARRET SUR IMAGES
Qu’on se le dise :
Je ne passe plus par ces chemins
Qui jadis firent mes délices
Au cœur de l’œil du cyclone
Des cœurs sans malice
Celles qui n’étaient pas la prunelle de mes yeux
Vivaient, je crois, leur supplice

On marche sur mes pas d’avant
Et même devant
Pour qu’au détour d’une rue
Ni vu ni connu
On m’étripât
Mais qu’est-ce donc cet appât ?
On sonne du cor !
Or je ne vais plus encore
A la bataille, la guerre
J’ai déjà la terre
Loin des chemins d’antan
Sans effusion de sang


Pourquoi alors me voit-on toujours
Par ces lieux désertés
Où sévit la pagaille
Et le paganisme
Allons donc ! Seigneur de guerre, moi ?
Même quand je parle de paix
Assis dans mon vestibule
L’on me verrait à Istanbul
Hululant des appels au combat
Au vrai dans mes pyjamas
Je dis des contes à mes enfants
Maintenant je sais compter mes ans

Hélas ! Mon image est faite
Ma réputation peut-être surfaite
Tous ces vieillissants mousquetaires
Certains mêmes grabataires
Anciens et nouveaux cinquantenaires
Comme autant de fougueux mercenaires
Invitent à croiser le fer
Qui ne veut plus de cet enfer

Osai-je avoir ri ?
Là-bas c’est l’hallali
Ventre à terre la meute accourt
Comme pour une chasse à courre
Ils me croient déjà mort
On tire ma peau au sort
Sanglant jeu de hasard
Pour me livrer aux charognards

Regardez-les : Tels des enfants attardés
Ils se jettent dans l’arène
Piaffant d’en découdre
Mais je n’y suis plus
Je suis au service de la reine
Vous aurez l’agneau
Je vous l’apporterai moi-même
Après que j’ai jeté aux orties
L’image du fauve
EMERY G. UHINDU-GINGALA

(Extrait d'Opuscule)