vendredi, décembre 31, 2010

COTE D’IVOIRE

LE BAROUD D’HONNEUR DE LAURENT GBAGBO

Rien de nouveau sous l’implacable soleil d’Abidjan ! La démocratie n’y fleurit toujours pas au regard acerbe de certains. Cependant que la dictature, elle, a bon dos dans les capitales à l’entour. Hélas pour la "vieille Europe" dont la vue baisse et pour ses trop fréquents moments d’amnésie. Or donc on ne peut faire l’économie, dans la crise ivoirienne, de convoquer l’Histoire ; même si pour sa lecture d’aucuns s’y refusent obstinément. Les précédents les moins lointains- ce début du siècle suffit amplement à l’édification des mémoires qui supportent mal les datations au carbone 14- peuvent constituer des référents. Ne serait-ce que pour comprendre ; sans justifier. Par honnêteté. On peut voir que la trame de l’Histoire immédiate, ici et ailleurs, est émaillée de séquences productrices d’instabilité ; et que la quiétude des populations civiles en a été souvent troublée. On peut se rappeler que ces "parenthèses", en tous temps, sont d’ordinaire vite refermées et aussitôt oubliées. Mais l’on doit savoir que "les fauteurs de trouble" ne sont pas toujours ceux que l’on croit, loin s’en faut. Les sources de nuisance en Côte d’Ivoire déambulent dans les rues et portent différents chapeaux. Ceux des hommes politiques trop ambitieux. Et ceux des "gardiens de la paix", ces pauvres bougres mandatés pour concrétiser sur le terrain, et au péril de leur vie, les desideratas de la France sur son pré-carré... En d’autres termes la communauté internationale, lorsqu’elle s’y sent vraiment obligée, en vient à contester la légitimité de certains hommes politiques. Mais jamais tous, pas les mêmes, pas pour les mêmes raisons, et dans des situations différentes. De ces conditions voici quelques : une conjoncture qui favorise la réprobation (quand tous s’y mettent), des intérêts occultes mis en œuvre (le meilleur partenaire économique en certains cas, ou autre chose), sinon qu’un sentiment des plus triviaux, la seule haine viscérale à l’égard d’un homme qui incarne une rupture du statu quo dans les relations que la Côte d’Ivoire entretient avec les autres pays du monde. Tous ces faits conjugués ont sans doute joué contre Laurent Gbagbo pour qu’il soit présenté par une presse occidentale dangereusement unanime comme le pire malfaiteur que le monde n’a jamais connu !
Cela dit- aussi afin de ménager les mémoires qui flanchent- un regard sur l’actualité. Aux antipodes de l’Afrique, Le Belarus. Ce qui s’y déroule maintenant est assez fâcheux pour les thèses des "faux justiciers" de la communauté internationale, ces prétendus redresseurs de torts pétris de partialité, eux qui entendent sévir sur les uns sans pouvoir- ou vouloir- appliquer la même justice aux autres…
Le Belarus donc. Dans ce petit pays de l’Europe de l’Est, la quasi-totalité des candidats à l’élection présidentielle qui vient de s’achever sont incarcérés après qu’ils aient contesté la validité du scrutin. Poursuivies pour « trouble massifs à l'ordre public », ces individus encourent jusqu’à quinze ans de prison ; ainsi que l’interdiction de leurs partis politiques. Le président Alexandre Grigorievitch Loukachenko, ce « dernier dictateur d'Europe » notoirement reconnu comme tel par tous, évoque les lois locales pour justifier le fait qu’il reste le maitre incontesté de Minsk depuis seize ans ! On ne sait si l’opposition participa jadis à l’érection de cette Constitution qui marginalise aujourd’hui son action et rend caduques ses revendications post-scriptum… Les Occidentaux n’en feront pas grand cas puisque la Biélorussie est sous influence de la Russie, ce puissant pays peu regardant lui-même sur les droits de l’homme chez lui ! Alors à défaut d’aller jouer dans cette dangereuse cour des grands que sont Poutine et Medvedev, il faut modestement revenir en Afrique. Précisément dans sa zone subsaharienne le "parent pauvre" de la communauté des nations du monde.

Sombre répertoire.
Qu’y observe-t-on ? Que de nombreux dirigeants s’y sont adonné à des simulacres d’élections sans que quiconque n’en soit bouleversé, peu s’en faut. Le Rwandais Kagamé, après s’être dare-dare taillé une constitution sur mesure, récidive ses staliniens scores (plus de 80%). Rien, sinon la mort, ne pourra jamais désormais lui ravir ce pouvoir dont il se récompense. Surtout que la communauté internationale le considère comme un être fragile qu’il ne faut surtout pas contrarier ; un esprit sinistré, "traumatisé par le génocide des Tutsi". Une victime dont il convient de ménager la susceptibilité. Tant pis pour l’opposante Hutu Victoire Ingabire qui paie pour "négationnisme" sa volonté de changement de leadership à la tête de ce pays qui n’est plus que celui de Tutsi. Puisque les Hutu ne se reconnaissent plus que dans le pouvoir tutsi…
Le Burkinabè Blaise Compaoré, qui n’en était pas à sa première outrecuidance, vient de s’illustrer par la même dextérité dans la manipulation de la Constitution. Il caracole aussi maintenant en toute liberté dans des pourcentages qui défient le bon sens et l’esprit de la démocratie. Mais bon, Blaise Compaoré est un "grand ami" de la France qui lui pardonne tout. De plus il a opportunément su s’improviser comme un "médiateur" très sollicité dans la résolution des conflits de sa sous-région. De se poser en incontournable l’autorise depuis à confisquer le pouvoir pour l’éternité. Il peut désormais se prévaloir d’un curriculum vitae équivalent ou sinon meilleur, à l’échelle du continent, à celui de l’ancien président américain Jimmy Carter qui offre les mêmes offices. Compaoré bénéficie aujourd’hui d’une respectabilité entachée du sang de ses amis et de ses ennemis.
Il serait peut-être inutile de s’attarder sur ces "enfants de chœur" que sont Paul Biya, Robert Mugabe, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Sassou Nguesso, ou même seulement des velléités dynastiques d’Abdoulaye Wade. Quant à l’héritier du trône du Gabon Ali Bongo, nul ne devrait voir dans son récent adoubement par la Franc-maçonnerie un salutaire soutien de ses pairs "Grands prêtres" du continent et d’ailleurs dans le monde. Ou que d’appartenir à cette loge occulte, à la suite de son père Omar Bongo, n’offre aucun avantage politique. Mais peut-être verse-t-on là aussi dans l’anecdote et la fabulation. Parvenu à ce point dans la cécité collective et le déni au bon sens il y a certainement péril dans la comparaison si on prétend que Ben Ali le Tunisien et le raïs Hosni Moubarak d’Egypte ne sont vraiment pas ce qu’on pourrait appeler des démocrates modèles. Mais là-bas, au Nord de l’Afrique, leurs populations respectives pourraient démentir ce postulat. Puisqu’elles détiennent la liberté de parole et choisissent aussi librement la pérennité de leurs gouvernants. La Ligue arabe, ce machin d'ordinaire inutile aux Arabes, est manifestement mieux que la CDEAO. Il faut cependant reconnaitre que pour toutes ces… exceptions, la communauté internationale a crié, décrié, mais du bout des lèvres, toujours en marchant sur des œufs puisque la souveraineté des lois nationales était évoquée. Alors en signe de fermeté il y eut d’inaudibles protestations, des "vives préoccupations", des "appels à la retenue et au respect des droits humains"…bref, toute la panoplie des formules lapidaires destinée à inscrire sa voix au chapitre. En définitive et "après examen" il ne s’est toujours agi que de légères entorses dont on a pu s’accommoder tant les populations étaient heureuses, des peccadilles sans aucun rapport avec l’innommable commission de Laurent Gbagbo ! Or donc pour susciter une telle levée de boucliers, sans précédent en Afrique, et cristalliser autour de lui une réprobation aussi unanime, l’homme a du franchir le rubicond. Le monde, et ce depuis ce mois de décembre 2010, ne tolère plus ce genre d’indélicatesse à la loi d’airain de la communauté internationale. On voit désormais les autres dirigeants africains -puisqu’il ne s’agit que d’eux- participer dévotement à la curée. Trop heureux que l’attention fut détournée de leurs peu glorieux antécédents il jurent qu’on ne les y prendra plus. Qu’ils savent désormais qui est le maître. Ils trahissent sans vergogne et se repentent pour bénéficier de la prescription ! Car lorsque la poussière retombera et que le monde se sera désintéressé du sort des Ivoiriens il sera toujours temps de reprendre ses pratiques d’antan. Partant, se faire oublier c’est conspuer "le vilain Gbagbo". Mieux, le faire chasser du pouvoir comporte des avantages dans l’ordre du renouveau. C’est désormais pour ces tyrans bien plus qu’un leitmotiv : un objectif quasi vital et une fin en soi. Pas de Gbagbo, pas de comparaison !

Pour faire un exemple
On s’attendait somme toute à ce que Sarkozy veuille à tout prix se débarrasser de Laurent Gbagbo, cet ennemi juré qui l’a humilié à maintes reprises. Le président français, qui exerça le métier de boucher dans une autre vie, est reconnu pour son maniement des crocs entre autres inclinaison de torture. Il applique aujourd’hui à Gbagbo ces mêmes méthodes expéditives qu’il réserve d’ordinaire à ceux pour qui il éprouve une haine viscérale. Aujourd’hui pour faire un exemple le président de la France s’est mis au diapason de la pire racaille africaine. Ceci sans verser dans l’amalgame, beaucoup- pardon, peu- de présidents du continent méritent la légitimité reçue du peuple. Quant à Sarkozy, c’est un opportuniste ainsi que nul n’en doute plus. Derrière la Paris les autres puissants de ce monde, pudiquement appelés alliés, se rangent aveuglement alors même que pour les États-Unis ou…disons l’Australie, Gbagbo ou Ouattara c’est…"noir bonnet et bonnet noir" ! C’est de notoriété publique qu’un pacte diplomatique prévaut entre les Occidentaux à l’effet que, dans la commission du crime parfait, le mobile soit assumé par tous. C’est là une directive en vigueur depuis toujours et renforcée après le 11 septembre 2001. Elle a valeur d’échange dans le soutien des uns aux autres. La France en particulier verse un lourd tribut à l’effort de guerre en Afghanistan. Les Américains perdraient à ne pas s’en souvenir, surtout que ce qu’il leur est exigé en retour est bénin au regard de ce que l’armée française consent en sacrifices humain et matériel pour le triomphe du "monde libre" face à "obscurantisme islamique". Tout cela est compréhensible et participe de la Realpolitik. Mais on ne voit toujours pas en quoi l’intérêt de la Côte d’ivoire se confondrait avec celui de l’Afghanistan. La population de l’une ignore même jusqu’à l’existence de l’autre. Et vice-versa. Même le plus "ouattariste" des Ivoiriens n’ignore pas, qu’à quelque exception près, la CDEAO et l’UA est un repaire de hors-la-loi dont la légitimité était, avant la Côte d’Ivoire, contestée par cette même communauté internationale. L’acharnement en moins. Or donc ces régimes sont portés par des dictateurs sanguinaires, des malfaiteurs notoires, des seigneurs de guerre, pour certains des voleurs contre lesquels une instruction judiciaire est ouverte- en France justement- pour recel de biens mal acquis ! Et pourtant sur le plan interne aucun parmi ces potentats n’a jamais finalement été inquiété par les objurgations de façade des Occidentaux. Dans l’hémisphère nord, féru d’éthique, des individus revêtus d’une telle notoriété ne sauraient être convoqués pour juger de quoi que ce fut ; ni même pour départager une rixe impliquant des enfants !
Pour avancer dans la réflexion il faut aller au-delà du simple homme qu’est Gbagbo afin de démonter les ressorts d’une logique qui s’obstine à pécher par l’absurde. Question : Les Iraniens sont-ils si peu aimés du monde qu’ils sont obligés de toujours subir l’implacable joug de Mahmoud Ahmadinejad ? À quand l’intervention des "armées occidentales restauratrices de la démocratie" pour délivrer les Perses de l’étau des mollahs ? A contrario, les Ivoiriens devraient se réjouir que leur sort préoccupât à ce point le monde entier que l’on envisage de leur infliger mort et désolation afin qu’ils recouvrèrent la salvatrice démocratie. Il n’est pire preuve d’amour que le mépris paternaliste. Passe-droit ou impuissance à l’égard du dictateur de Téhéran, il demeure que "l’an zéro" de la démocratie vient d’être décrété par les "maitres du temps", la communauté internationale, ce Deus ex machina qui protège malgré eux ces "enfants attardés" que sont les Africains…

Une presse qui parle mal
Cinquante ans en Afrique c’est déjà l’âge de la sagesse, cette vertu qui surplombe la seule intelligence. Age canonique, puisque c’est l’Afrique. De Jeune Afrique l’intelligent on a eu, en cette affaire, plus d’intelligence que de sagesse. Pour cinquante ans de combats menés au bénéfice de diverses causes en africaines, l’hebdomadaire mythique porte sur l’après élection ivoirienne le même regard qui découvrit avec George W. Bush des armes de destruction massive en Irak. On mesure à peine encore aujourd’hui les "dommages collatéraux" que telle attestation a pu causer. Lors il s’agit de l’Afrique les médias internationaux ne savent pas toujours de quoi ils parlent ; à l’instar de leurs gouvernants. Voilà une excuse dont ne peut se prévaloir le journal de Béchir Ben Yamed (BBY). Il fut des temps où ce héraut de la presse francophone continentale montait aux barricades contre toute velléité de néocolonialisme. Il n’entretenait guère alors, hélas comme maintenant, de la répulsion à dénoncer cette atteinte à l’autodétermination des peuples, un des principes fondateurs de l’ONU. Pas seulement : aucune dictature ne trouvait jamais grâce à ses yeux. Point de ligne Maginot, ce suspect arrêt spatio-temporel, "avant et après", que vient d’introduire insidieusement la France dans l’évaluation de la gouvernance dans le monde. Sauf à dire « qu’il faut bien commencer quelque par » BBY, qui a voué sans nuances Laurent Gbagbo aux gémonies, doit encore expliquer à ses millions de lecteurs que "le crime " de ce dernier est innommable et dépasse en horreur tout ce que le monde a connu. Ce qui justifierait que l’on fasse table-rase du passé pour ne faire débuter l’Histoire qu’avec ce "dangereux despote". … ». Dans ce cas que quelqu’un, quelque part, ait l’honnêteté de poser ce nouveau paradigme. Afin que l’affaire soit entendue une fois pour toute. Et pour tous. Lourde mission s’il en est. Les vieux lecteurs de Jeune Afrique se souviennent du rédacteur en chef, décédé depuis, Sennen Andriamirado. Blaise Compaoré, qui assassina son compagnon de lutte Thomas Sankara, ne serait peut-être jamais devenu ce dictateur invétéré (dont l’Afrique a curieusement besoin, à en croire ce plaisantin de Sarkozy), si la plume acerbe de Sennen ne s’était inopinément tue. Ce n’est surement pas cet autre rédacteur en chef qu’est François Soudan pour dire quoique ce fût, en mal ou en bien, de Denis Sassou Nguesso. Pour cette raison toute humaine que le journaliste a pris femme au pays que dirige d’une main de fer ce colonel putschiste. Ce que femme veut… Au vrai en cette drôle d’affaire comme dans d’autres, la jeune génération de journalistes de Jeune Afrique- Marwane Ben Yamed la représente bien- manipule une plume plus acerbe que celle de la vieille garde. Il demeure que BBY devrait éclairer ses trop nombreux lecteurs africains sur ce curieux principe- un nouvel avatar- de "deux poids, deux mesures" qu’il supporte chez eux ; mais qu’il dénonce pourtant avec véhémence lors il s’agit du Proche-Orient…Qu’il dise seulement une parole, ce cher M. BBY, et de nombreux Africains aborderont cette nouvelle année 2011 un peu plus sachant.
Fatigué BBY ? Son propos le laisse croire. Tant il y transpire une lassitude troublante de sélectivité. Après cinquante ans de "bons et loyaux services" pour l’Afrique voilà qui pourrait être compromettant. Voire quelque peu décevant. Bonne St-Sylvestre tout de même !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ

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mardi, décembre 21, 2010

COTE D’IVOIRE

LES LONGUES DENTS DES JEUNES LOUPS

Guillaume Soro et Charles Blé Goudé ont longtemps joué à se faire peur, ainsi que tout Ivoirien le sait. L’anecdote fait remonter leur inimitié aussi loin qu’à l’époque où ils étaient étudiants à l’Université, à Abidjan. Que le fait soit vrai ou faux, il demeure que l’ambition politique qui dévore chacun est née et s’est accrue dès leur première passe d’armes. Car il y eut bien cette première fois où leurs chemins se croisèrent et se séparèrent. Avec la tenace promesse de croiser à nouveau les fers « quand on aura trente… » ainsi que le dit la chanson ! Et ce temps semble être venu, un temps dont il faut souhaiter qu’il soit seulement celui d’une confrontation ; et non point celui de la déflagration. Parce qu’entretemps Soro a d’ores et déjà engagé toutes ses (dernières) forces dans l’épreuve comme s’il n’avait plus rien à perdre. Or donc de l’autre côté on voit un Blé Goudé serein- il détient un portefeuille, lui, et annonce qu’il veut mettre les jeunes au travail- tout le contraire de ce qu’il a toujours été. Le ton s’est inversé, l’agitateur n’est plus Blé Goudé, le modéré n’est finalement plus Soro. La roue parait avoir définitivement tourné.
Les statures et les statuts semblent avoir désormais été changés. Ils étaient interchangeables, les deux hommes se valant jusque dans la réalité de ce jeux des rôles. Mais on comprend que Soro ait été surpris, lui qui se croyait à tort supérieur à son éternel rival. À croire qu’il aura perdu son temps sans vraiment rien comprendre, ivre de gloire dans sa "tour d’ivoire", cette "Primature" qui lui sort par tous les pores telle la marque du sot. ! Les deux jeunes loups de la scène politique ivoirienne se font aujourd’hui face, cependant qu’en arrière les deux véritables sphinx (Gbagbo et Ouattara) s’observent en chiens de faïence. Ils ont chacun distribué toutes leurs cartes et attendent beaucoup des "As"- ou plutôt des "Jokers"- qui s’escriment en ce combat singulier annoncé de longue date. Mais dans cette joute épique Soro, qui détenait déjà le pouvoir, a été à son détriment trop tôt jeté dans l’arène politique. À trop vouloir préparer le terrain pour Ouattara- raison pourquoi il évoluait obséquieusement auprès de Gbagbo- il s’est brûlé les ailes. Il l’aura désormais difficile pour prendre un nouvel envol. Gbagbo y veillera, il faut le croire. Quant à Charles Blé Goudé, bien qu’ayant fait la preuve de sa loyauté en militant avec un rare zèle, son mentor n’a jamais voulu le voir servir dans le gouvernement Soro. Comme s’il voulait le protéger de toute velléité de compromission. Goudé, pourtant combattant aguerri, était gardé en réserve pour des temps…plus tumultueux. Ces temps- on y est désormais- tout porte à croire que Gbagbo les subodorait, ou que du moins il les appréhendait. Il n’ignorait pas qu’il logeait au milieu de lui le loup (Soro) et se doutait bien qu’à la première occasion- les élections qui se profilaient- ce fauve qui ne savait plus cacher ses dents trop longues chercherait à ne faire qu’une bouchée de lui. Ceci rappelle" la trahison" d’un certain Sarkozy au profit de Balladur face à Chirac. Soro rêve peut-être d’un scénario semblable qui le porterait au pouvoir suprême dans un proche avenir. Avec ou sans Ouattara. De préférence sans celui-ci. Le modèle français, le "modèle Sarkozy", existe pour l’encourager dans cette voie.
Sauf qu’en Côte d’Ivoire telle chose est loin de survenir : il y a toujours Ouattara, Bédié, et trop de prétendants au trône pour que Guillaume Soro ne réussit jamais à les supplanter. Contrairement à ce qu’il croit secrètement il n’est pas le mieux placé pour diriger la Côte d’ivoire dans la prochaine législature. Surtout que rien n’empêche que Gbagbo- qui vraisemblablement finira l’actuel mandat en dépit de tous et de tout- peut toujours se succéder à lui-même, retardant encore les aspirations des uns et des autres. Soro passerait alors son tour.
Et plusieurs autres tours avant d’affronter…Charles Blé Goudé !

Redistribution des cartes
Laurent Gbagbo vient enfin d’abattre la carte qu’il dissimulait dans sa manche. En nommant Blé Goudé au ministère de la jeunesse il compte sur l’influence de ce dernier sur cette incontournable force que son rival et lui appellent maintenant ouvertement à la rescousse. La jeunesse ivoirienne est assidument courtisée par les deux leaders pour manifester, ou pour contrer les manifestations du camp adverse. Cette jeunesse constitue aujourd’hui la pièce maitresse de la stratégie des "deux présidents". C’est son ardeur au bénéfice de l’un ou l’autre adversaire qui fera la différence bien plus que les imprécations et les interventions intempestives de la communauté internationale. Et d’ailleurs, contre cette posture d’un âge que l’on croyait révolu, de plus en plus de voix s’élèvent pour les dénoncer comme une honteuse ingérence. Menaces et ultimatums ne sont là que pour rappeler ce donné : la communauté dite" internationale" ne regroupe qu’un agrégat de bien-pensants, tous occidentaux, et qui peine à faire entendre raison à l’Iran des Mollahs, à la Corée du Nord et à la Birmanie, courbant l’échine devant la Chine, insultée au quotidien par Hugo Chavez le Vénézuélien ! Ce Tribunal post-colonialiste, ce groupe de procureurs et des proconsuls pénétrés de Vérité ne portent généralement la charge que sur les Africains dont regorgent les cellules du Tribunal pénal International(TPI). Comme s’il ne se passait rien dans les territoires occupés de la Palestine, comme s’il ne s’est jamais rien passé à Guantanamo et Abou Graïb. À ce moment même Hashim Thaçi, ancien leader politique de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) et actuel premier ministre de cette entité livrée clef en mains par la communauté internationale, fait les frais d’un rapport du Conseil de l’Europe.
Dick Marty, un Suisse membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, l’y accuse d’avoir protégé des réseaux criminels liés à l’UCK, se livrant à des trafics de drogue et d’organes (sur des Serbes et des Albanais). « Les grandes puissances- c’est-à dire la communauté internationale- connaissaient l'existence d'un trafic d'organes, mais ont fermé les yeux », ajoute-t-il en substance. Les vertueuses indignations de ladite communauté internationale sur un sujet aussi grave ont sans doute été couvertes par le crépitement des armes automatiques à Abidjan !Pis, et à la honte de l’Afrique, il ya la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CDEAO) et l’Union africaine (UA) enrégimentées, peut-être également sous la menace et les ultimatums, pour cautionner une position qu’elles ne tiennent pourtant pas à l’égard du Soudanais Omar El- Béchir. Ce dernier serait-il vraiment plus…fréquentable que Laurent Gbagbo ? Mais ce qui prête le plus à rire, dans le drame, c’est la sortie de Raïla Odinga, premier ministre du Kenya, dernier pays où l’on vit El-Béchir se pavaner en toute liberté. Or donc on sait qu’Odinga ne doit d’être à son poste qu’à la faveur d’une effusion sanguinaire. D’ailleurs une instruction judiciaire du TPI est actuellement ouverte en rapport avec des massacres perpétrés par son camp et celui de son rival de président sur les populations civiles…
Quant à Nicolas Sarkozy, affairiste invétéré et avéré, il lui faudra plus que la Côte d’Ivoire pour faire oublier les révélations sur ses liens troublants avec l’héritière de l’Oréal, la veuve Béthencourt. Mais pas seulement : pour fidéliser le vote de l’extrême-droite, ce fils d’immigré hongrois n’a pas hésité à jeter le discrédit sur le pays d’adoption de son père. Le monde entier a assisté révulsé, et il y a seulement peu, aux pratiques racistes dont ont été victimes les Rroms (ou "Gens du voyage") en France. Voilà un donneur de leçons dont la commissaire aux droits de l’homme de l’Union européenne (UE) a vertement tancé la moralité.
Ils sont désormais légion, en Afrique comme en Occident, à tenter de se refaire une nouvelle virginité sur le dos de Laurent Gbagbo. Alors même que le président ivoirien ne devrait répondre de rien devant le retour en force de l’impérialisme occidental des vieux temps, et de ses vassaux africains en mal d’amour et de légitimité. L’Occident tient si peu en estime les Ivoiriens et les Africains qu’il est décidé à mépriser pour une énième fois leurs "institutions corrompues". Afin de réinscrire au feuilleton son influence sur le continent noir. Aussi pour dire le droit en lieu et place des institutions locales, pour imposer un statu quo qui n’aurait jamais du changer à leurs yeux, pour créer un dangereux précédent dont aucun leader africain à l’avenir ne pourrait se libérer, pour que dans l’esprit de la jeunesse africaine soit prêté à confusion l’entendement entre souveraineté nationale et souveraineté internationale ! Pour faire croire que c’est l’Occident qui détiendrait la première et dispense la seconde à sa guise. Et que hors de la volonté occidentale- la communauté internationale- il n’y a point de salut !

Un pays sans Soro
Cette tragédie que la communauté internationale alimente sans états d’âme ne devrait profiter in fine qu’à Soro, le seul qui aurait tout à perdre si Ouattara et Gbagbo parvenaient à un accord.
Car le fait n’est pas exclu. Sauf méprise, Laurent Gbagbo n’obtempérera probablement pas aux injonctions des Occidentaux et des leurs affidés de la CDEAO et de l’UA, parmi lesquels on trouve des dictateurs notoires et des repris de justice. Alassane Ouattara est assez intelligent pour s’en douter même s’il espère fortement le scénario inverse. Mais il est également soucieux de la néfaste image que son adoubement par les étrangers laisserait sur une grande partie des Ivoiriens. Il pourrait donc être tenté de saisir la main tendue par son rival. Quant à Henry Konan Bédié, que l’on entend de moins en moins, il en est sûrement à se demander ce qu’il fait au milieu de cette galère. La neutralité après le premier tour du scrutin n’aurait-elle pas mieux valu pour lui en définitive que cette dernière sortie politique ratée et associée à la débâcle que vit actuellement le pays. Celle-ci n’eut-elle pas pu être évitée s’il s’était abstenu de supporter Ouattara ? Une question qui doit tourmenter ses nuits et celle d’Henriette sa femme.
Au vu de tout, le sort de la Côte d’ivoire serait différent- et forcément meilleur- sans Guillaume Soro dans le décor. Son ambition est telle qu’il finira par se détourner de Ouattara quand ce dernier ne fera plus son affaire. Qui a bu boira. Il connait désormais le goût du pouvoir et ne voudra jamais plus que, tel le vampire pour le sang, s’abreuver à cette source vitale. Gbagbo le connait bien. Advenant une nouvelle partition du pays Ouattara n’y gagnerait rien, Soro, à la tête de ses milices des Forces nouvelles n’aurait aucun intérêt à partager un pouvoir qu’il peut détenir seul. À Ouattara de savoir s’en défier à temps en assurant ses arrières. Car lorsque Soro, qui est d’ores et déjà dans la position du kamikaze, verra son avenir politique bouché par des tractations le laissant hors-jeu il sévira.
On verra alors l’ange déchu vouloir entrainer dans sa perte tout le peuple ivoirien dans un marasme indicible. Il y est fermement décidé, même s’il ne détient pas le destin du peuple ivoirien entre ses dents de loup. Il appartient aujourd’hui à Gbagbo et Ouattara d’arrêter les velléités destructrices de cet homme. Guillaume Soro est dangereux pour la Côte d’Ivoire.
Gare à qui le soutient et l’encourage dans ses sombres desseins.
Comme tout éléphant, la Côte d’ivoire a la mémoire longue.
EMERY UHINDU-GINGALA

mercredi, décembre 15, 2010

L’HOMME POLITIQUE DANS SON SIECLE

ANGE-FELIX PATASSÉ RELEVE LE PARI DE LA MODERNITE

Rarement un terme n’aura revêtu une connotation aussi générique que " le monde politique". Dans cet espace quasi mythique évoluent tous ceux qui ont pour vocation l’administration de la Cité et la gestion de la chose publique. Au service, bien entendu, des hommes et des femmes dont ils ont sollicité la charge du destin. Il n’empêche que l’on attend de "l’homme politique" lorsqu’il est médecin que d’abord il sache soigner ; que l’architecte bâtisse des maisons et qu’on surprenne le forgeron à battre le fer surtout quand il est chaud. Or donc l’agronome, ce scientifique dont les conclusions sont censées améliorer la pratique de l’agriculture, appartient à la noblesse. Bien plus qu’à la politique !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ

Toute personne adulte peut opportunément prétendre à la charge présidentielle. Et il est bizarrement admis que même les analphabètes puissent y accéder. C’est un entendement en vigueur dans le monde entier. Hélas pour les peuples qui sont dirigés par plus incompétents qu’eux ! Même si c’est quasiment un crime d’user des prérogatives pour lesquelles on n'a pas les compétences.
A l’échelle de l’Afrique subsaharienne, de ceux qu’on appelle "Monsieur le président", peu savent qu’Ange-Félix Patassé est l’un des plus instruits ; avec le Sénégalais Wade et l’Ivoirien Gbagbo…
Qu’à cela ne tienne : Ange-Félix Patassé, l’homme politique, c’est d’abord cet agronome soucieux d’améliorer l’ordinaire du Centrafricain et de l’Africain. Peut-être ensuite aussi le sort de nombreux malnutris de ce monde…C’est Maurice Barrès qui posa que pour chaque être il existe une sorte d’activité où il serait utile à la société, en même temps qu’il y trouverait son bonheur…Peu d’hommes politiques actuels, en Afrique comme ailleurs, peuvent se targuer d’être dotés de cette dualité : le savoir-faire au service de la politique ; ou vice-versa.
Patassé lui le peut : fort d’une imagination débordante de vitalité il accomplit chaque jour des œuvres qui atteignent à l’humain, au fondamental, à la subsistance. Et peut-être à la survivance. Si c’était à partir des célèbres laboratoires de l’institut Pasteur (France) qu’Ange-Félix Patassé annonçait ses exploits- à savoir vouloir et pouvoir produire du biogaz, de la bioélectricité rurale et du biocarburant à partir d’une herbe appelée le Penicetum pulpurium- qui ne l’eut cru ?
Mais n’est-il pas du ressort d’un ingénieur agronome, si l’on s’attend à ce que les hommes politiques sachent faire autre chose que de la politique, de parvenir à améliorer les propriétés d’une plante ? C’est ce que fit Patassé du maïs Ngakoutou dont certains se gaussent à souhait. Alors même qu’ils auraient applaudit si l’innovation était signée par un obscur cultivateur nippon. Qu’y a-t-il d’insolite que l’agronome "africain" Patassé ait réussit ce que la firme américaine Monsanto fait, en se couvrant de gloire, au détriment des paysans des pays pauvres ? Nul n’est prophète chez lui, concède la Sagesse à l’incrédulité. Quand bien même des prodiges lui sont servis au quotidien. On ne s’étonne que de ce qui vient d’ailleurs.
Ange-Félix Patassé s’est mis au "vert" bien avant que cette énergie fut consacrée au patrimoine de l’humanité.
C’est de cela dont il s’agit lorsqu’on parle de vision. Autant pour l’homme politique que pour le scientifique. Un ingénieur agronome s’est hardiment pourvu de cette vertu pour être plus qu’un homme politique comme les autres. N’en déplaise à ses détracteurs, les œuvres indélébiles qui jalonnent le parcours d’Ange-Félix Patassé demeureront. Elles seront un jour reconnues comme celles d’un innovateur pour la postérité africaine, laquelle est aujourd’hui en quête des modèles. Cette jeunesse africaine qui appelle de tous ses vœux, trop souvent déçus par les promesses des hommes politiques, le génie des Africains. Afin de s’en servir en guise de caution morale pour un passé dont elle est peu ou mal instruite. Pour affronter l’avenir avec assurance. Le continent noir a plus qu’à son tour contribué au patrimoine commun des civilisations humaines. L’anthropologue et historien sénégalais Cheikh Anta Diop l’a abondamment illustré dans ses conclusions sur L’antériorité des civilisations nègres. Que son propos soit aujourd’hui contesté n’enlève rien au fait que le Noir, à l’instar des autres races, est tributaire de chaque pas que l’humanité amorce vers "plus de connaissances". La jeunesse africaine n’en doit jamais douter. Mais il faut auparavant que l’élite de l’Afrique noire parvienne à se débarrasser de ce complexe qui lui fait mépriser les apports des siens.
Ange-Félix Patassé est un scientifique d’envergure internationale. L’Afrique, si elle veut que sa jeunesse s’inspirât d’elle, gagnerait à reconnaitre la gigantesque œuvre que l’agronome centrafricain lui aura léguée. Puisqu’il a exploré des pistes que d’autres, sauf les Africains, risqueraient de poursuivre après lui.
Ailleurs, d’un tel personnage, on dit que c’est un savant !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ

mercredi, décembre 08, 2010

LES FOSSOYEURS DE LA COTE D'IVOIRE

Souvent des pays éprouvent le besoin d’inviter des tiers à les accompagner dans le processus électoral. Pour observer, valider s’il le faut, et parfois même départager quand telle disposition est expressément convenue entre les parties en lice. Or donc de mémoire d’homme aucun peuple, sauf à y être contraint, n’a accepté de céder sa souveraineté au point d’autoriser ladite tierce partie- au demeurant étrangère- de se substituer aux institutions consacrées par sa Loi fondamentale. C’est la Constitution, et elle seule, qui produit le droit. Et non pas une supra-autorité internationale, quelque crédit qu’on lui reconnût. En matière d’élection le dernier mot revient, en cas de litiges, à la Cour suprême ou, pour le cas de la Côte d’ivoire à la Cour constitutionnelle. L’arrêt de cet organe est péremptoire et sans appel advenant même qu’il se fut trompé. Dura lex sed lex, la Loi est dure mais c’est la loi !
C’est toutes ces subtilités, pourtant à la portée de tout diplomate en herbe, que le représentant de l’Onu en Côte d’Ivoire semble n’avoir jamais comprises. Des trois choses l’une : le sieur Youn-jin Choi a été totalement dépassé par des événements à l’aboutissement desquels il n’était pas préparé ; ou bien était-il en service commandé : valider vaille que vaille et coûte que coûte la victoire d’Alassane Dramane Ouattara somme toute le choix de l’Occident ; ou alors s’est-il senti, en toute bonne foi "investit d’une mission" humanitaro-messianique, à savoir sauver le pauvre peuple ivoirien en mettant de facto "sous tutelle onusienne" les institutions du pays.
Au vrai nul, ne serait-ce que par compassion, ne souhaite au commettant de Ban-Ki-Moon de s’être laissé emporter dans une telle dérive néocolonialiste. Mais son empressement, et les médias internationaux avec lui, à certifier les résultats de la Commission électorale indépendante (CEI), que venait cependant d’annuler la Cour constitutionnelle, laisse perplexe. C’est un Youn-jin Choi manifestement ulcéré qu’on a vu revendiquer avec aplomb son inamovible statut acquis de droit divin : Certificateur je fus, certificateur je demeure !
Un surprenant zèle qui confine à la profession de foi ; sinon qu’à la naïveté…
Qu’on se rappelle seulement : En 2000 c’est la Cour suprême des États-Unis qui trancha en faveur du candidat George W. Bush face à Al Gore dans une présidentielle litigieuse. Aucune instance étrangère ne s’opposa publiquement à ceci que tous, tout bas, désapprouvèrent. De ce même pays on sait aussi qu’il a considérablement affaibli l’institution du Tribunal Pénal International (TPI) en refusant d’y souscrire ; au motif qu’aucune juridiction étrangère n’est qualifiée pour juger des citoyens américains. Ce qui ne les empêche pas d’être "déçus" que les pays africains n’exécutent pas les arrêts de ladite cour ; précisément en ce qui concerne le mandat d’arrêt visant le Soudanais Omar El-Béchir par une juridiction dont ils se défient eux-mêmes.
Mais les États-Unis ne sont pas à un paradoxe près…
Or donc que dire de l’Union européenne et de leurs médias qui se sont précipitamment engouffrés dans la brèche ouverte par Youn-jin Choi comme si l’une et les autres n’attendaient que cela : le "feu vert" de l’Onu en Côte d’Ivoire(ONUCI). Une diligente prise de position qui ne peut que prêter à suspicion. Et qui a jeté le peuple ivoirien dans la confusion.
Ce genre d’ingérence, qui dit son nom, a été à l’origine de la radicalisation de bien des pays.
A titre de comparaison, au même moment en Guinée-Conakry voisine, les protagonistes de l’élection présidentielle ont patiemment attendu l’arbitrage de la Cour Suprême- qui entendait les doléances et récriminations de l’un et l’autre candidat- et se sont ralliés à son verdict !
Si cette cour a affirmé les résultats de la CEI guinéenne, c’est qu’elle avait également le pouvoir de les infirmer. Une logique qui tombe pourtant sous les sens; mais pas pour tous, à l’évidence.

Faites ce que je vous dis de faire
Mais ne faites surtout pas ce que je fais ». Tel semble être le leitmotiv de la communauté internationale à l’endroit d’Abidjan. En France, pays qui se pose aujourd’hui en porte-voix (ou porte-flingue) à la dissidence de Laurent Gbagbo, aussi bien les juges de la Cour suprême que le président de la Cour constitutionnelle sont nommés par le chef de l’État. Autre fait : hors de France qui s’étonne de ce que Nicolas Sarkozy se soit arrogé le droit de nommer le président de France Télévisions ?
Au Canada le Premier ministre nomme aussi bien les juges, les sénateurs et même le Gouverneur-général. Cette personnalité, qui représente la monarchie britannique au Canada, y est d’office le chef de l’État et des armées…
De nombreux autres pays tous réputés démocratiques sacrifient au même procès quant à la nomination des juges ainsi que des hauts dirigeants des instances publiques sans que ceci ne constitue sujet à débats sur la scène internationale. Car c’est une pratique courante et somme toute banale. Seuls ceux qui aujourd’hui croient gagner à la diaboliser affichent leur vertu offensée dans une hypocrite indignation digne de grands tragédiens. Autrement d’où vient-il que cette prérogative soit réservée aux uns mais pas aux autres ? L’on peut légitimement se demander si la communauté internationale aurait tant rué dans les brancards s’il s’était agi de la Guinée-Bissau, du Vietnam, du Costa-Rica ou du Rwanda…
Mais la Côte d’Ivoire, pour son malheur, est "un pays qui compte" en Afrique et dans le monde. L’occasion ne se présentera peut-être pas de si tôt d’installer à sa tête quelqu’un- Ouattara fut un haut-cadre du Fonds monétaire international(FMI)- qui a l’habitude d’obtempérer aux injonctions de l’Occident. A contrario Gbagbo est vu par tous comme un "empêcheur d’assujettir en rond".
Mais déjà la suspicion point dans les rangs même des partisans de Ouattara. Dans un reste de sursaut patriotique d’aucuns parmi eux s’interrogent sur l’indépendance dont jouirait un président qui devrait tout à l’Occident. Des relents de soumission, de compromission et de collusion entament inexorablement chaque jour le socle sur lequel tente de s’élever la stature de leur candidat. En jouant l’opportune carte de la communauté internationale contre les institutions de son propre pays Alassane Dramane Ouattara réveille les vieux démons de "l’ivoirité" que dressa jadis devant lui son actuel allié Henry Konan Bédié. C’est ce dernier qui, en faisant douter de sa nationalité ivoirienne, le disqualifia de toute participation à une élection présidentielle. Jusqu’à ce que Laurent Gbagbo refermât cette boite de pandore permettant ainsi à Ouattara d’être enfin candidat à la controversée présidentielle qui semble tenir le monde entier en haleine.

Les fossoyeurs de la Côte d’Ivoire
Aujourd’hui c’est devenu un secret de polichinelle qu’Alassane Ouattara ne fut pas étranger à la guerre civile qui consacra une décennie durant la partition de la Côte d’Ivoire en deux entités dont les traces demeurent encore vivaces. Dans les esprits et sur la réalité géographique. Puisqu’il ne s’en cache réellement plus- il n’a de cesse de brandir le spectre de la rébellion s’il n’obtient pas gain de cause- on peut craindre qu’il n’hésite pas à déclencher à nouveau la lutte armée. Il tient à le faire savoir à demi-mots, il évoque sans le dire le tragique précédent qui plongea le pays dans la désolation. Il tient à récolter les bénéfices qui sont rattachés à la guerre.
Il présente aux Ivoiriens le choix entre lui et le chaos. Mais cette fois-ci Ouattara dispose de l’aval, et peut-être déjà du soutien logistique de la communauté internationale, pour ce faire.
On peut aisément imaginer les fossoyeurs de la Côte d’Ivoire savourant enfin leur vengeance sur Gbagbo ; triomphant sans états d’âme et surtout sans péril aux antipodes des souffrances que seuls les Ivoiriens appréhendent. Ils pensent avoir démontré avec suffisance sinon qu’avec mépris que les institutions "pseudo-démocratiques" des pays africains doivent demeurer subordonnées à la volonté de la communauté internationale. Une façon de remettre au gout du jour l’anecdotique incapacité des populations obscurantistes africaines de se prendre en charge. Alors même qu’une nouvelle génération de dirigeants du Continent, dont Laurent Gbagbo, s'applique à faire oublier ce caricatural déterminisme. Avec le risque que ceux que cela dérange leur tombent dessus à bras raccourcis. Mais c’est le prix à payer, autrement il faut encore courber l’échine…
Le plus troublant dans cette saga c’est qu’Alassane Ouattara acquiesce à l’idée que les institutions de son pays soient considérées comme désuètes puisqu’elles ne lui offrent pas le pouvoir promis par des instances plus…éclairées. L’Histoire, hélas, lui sera comptable de cette posture- suspecte désinvolture vis-à-vis d’un peuple dont on se réclame- qui rappelle par trop l’allégeance de certains leaders africains au colon qui leur "accorda" l’indépendance.
La Côte d’Ivoire d’aujourd’hui ne mérite pas telle injure. L’Afrique refuse cette imposture.
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ