mardi, septembre 13, 2011

LIBYE: OTAN EN EMPORTE LES INNOCENTS

Un dictateur opprime durement son peuple ? La communauté internationale- un autre terme pour désigner l’Occident- s’emporte aussitôt et va au secours de la population en détresse. En l’occurrence ces interventions sont censées défendre des "causes justes" ; et partant voulues nécessaires. Car grâce à ces expéditions militaires, toujours ourdies dès l’Occident, de milliers de vies innocentes se sont ainsi trouvées épargnées. Sauf que les bombes une fois larguées, quand même elles sont réputées intelligentes, font difficilement le tri entre l’ivraie et la bonne graine dans la proximité du dictateur. En clair : les raids aériens des "forces libératrices" font souvent autant de victimes innocentes que la férule de la dictature dont elles entendent débarrasser le peuple.
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ


Depuis le début du vingt et unième siècle, en à peine onze ans, les pays occidentaux ont organisé de nombreuses campagnes militaires dirigées essentiellement vers ceux du tiers-monde. Dans la première moitié du nouveau siècle on s’en allait en Irak abattre le régime Bass de Saddam Hussein en prétextant d’y aller trouver des armes de destruction massive. Pour ensuite s’enliser dans l’imbroglio afghan dix ans durant. Avant que de finir par y assassiner opportunément Oussama Ben-Laden le leader du réseau terroriste d’Al-Qaïda.
Or donc aujourd’hui on ne s’embarrasse guère plus de fallacieux prétexte pour mettre en coupe réglée la Côte d’Ivoire et la Lybie. L’Otan installe derechef au pouvoir à Abidjan un parangon don elle est assurée de l’allégeance. Après y avoir évincé l’imprévisible démon qui crut naïvement que l’enfer c’était les autres. En ce qui concerne la Lybie, le contrôle de l’une des plus grandes réserves pétrolières du monde constitue l’enjeu pour lequel les Occidentaux se sont autant impliqués dans ce pays. Nul ne l’ignore. Pas même les insurgés, ces rebelles à la tête desquels on retrouve nul autre que le ministre de la justice de Kadhafi (2007-2011). Moustapha Abdeljalil, l’actuel président du Conseil National de Transition(CNT), est ce président de la cour d’appel de Tripoli qui confirma jadis par deux fois la condamnation à mort par pendaison des infirmières bulgares ! Si la mésaventure de ces dames, et de l’infirmier palestinien, s’est plutôt bien terminée, combien d’innocentes vies de ses compatriotes Abdeljalil a du écourter au service de son Raïs ?
Et il n’est hélas pas seul dans ce cas puisque le CNT compte en son sein bien d’autres individus parmi les plus féaux du régime de Kadhafi. Dès lors on comprend la réticence que manifestent plusieurs pays, et avec eux l’Union africaine (UA), à reconnaitre le CNT comme le seul représentant légitime du peuple libyen. Car légitimité doit nécessairement rimer avec crédibilité. Tous, on le voit, n’ont pas la mémoire sélective de l’Otan…
Aujourd’hui en Libye, comme hier en Côte d’Ivoire, seul le soulagement de s’en être sorti indemne explique les scènes de liesse dont les médias occidentaux abreuvent leurs téléspectateurs. Car l’instinct de survie se nourrit de l’immédiateté. Carpe diem
Mais pour "sauver" ces populations de la répression du dictateur combien a-t-il fallu sacrifier de vies innocentes qui n’avaient aucune vocation pour le martyr ?
La question se serait certainement posée avec acuité si ces événements s’étaient déroulés dans un pays occidental. Seulement voilà, puisque leurs concitoyens bien en sécurité loin du terrain des hostilités, les dirigeants occidentaux rangent ces meurtres- mais ils prennent bien garde de le dire- dans la morbide case des "victimes collatérales". Or donc plus de soixante ans après Hiroshima et Nagasaki, une éthique politico-militaire n’autorise plus de se complaire dans cette logique qui veut que la fin justifie les moyens. D’ailleurs les Occidentaux en ont fait une règle d’or- on ne doit répondre à la barbarie par la barbarie- qu’ils respectent scrupuleusement chez eux et entre eux. Seulement…

L’ONU
Tout ceci participe d’un environnement international des plus troublés. Et dont les repères moraux ne résistent pas au rouleau compresseur des intérêts personnels. Surtout que certains dirigeants occidentaux s’ingénient à confondre ces intérêts avec ceux de la nation, leurs pays, qu’ils précipitent dans d’intempestives guerres. Même lorsque personne ne les appelle à l’aide. Mais pour eux il s’agit d’une mission : "porter assistance à personnes en danger". Or donc là encore seuls les Occidentaux ont la faculté de déterminer le degré de dangerosité. Et surtout quel peuple est qualifié pour faire partie des victimes à protéger. Rien d’étonnant dès lors à ce que les auteurs de ces initiatives salvatrices versent résolument leurs actions au profit de toute l’humanité…
Les interprétations sont donc laissées à l’avenant, les plus forts créent des lois qui ont raison des principes jadis sacralisés par l’Organisation des Nations Unies.
Dans cette cacophonie légalo-militaire les principes se chevauchent les uns les autres.
La raison en est que les outils conceptuels de l’ONU pour la résolution des conflits s’avèrent tragiquement obsolètes. Et qu’au lieu de "guider", cette organisation "méta- nationale" se retrouve lamentablement à la remorque des ceux des pays occidentaux.
Aujourd’hui il appert que c’est dans la précipitation- on pourrait toujours arguer que l’urgence commandait l’action- que les Nations Unies ont donné mandat à la France et à l’Otan (en Côte d’Ivoire et par la suite en Libye) de "protéger les populations civiles" contre l’oppression leurs propres dirigeants ". Le problème c’est que ce principe, au demeurant louable, revêt des contours on ne peut plus flous. Et à l’évoquer beaucoup en Afrique se sentent floués. Il donne l’air d’un fourre-tout dans lequel on peut verser tout et son contraire.
D’aucuns trouvent même que cette nouvelle acceptation juridique, tombée presque ex nihilo dans l’escarcelle du droit international, ratisse si large qu’elle laisse libre cours à toutes sortes d’interprétations. La France et l’Otan l’ont étendue si loin qu’il faut craindre que leurs faits accomplis en Côte d’Ivoire et en Libye ne constituent un précédent en droit international.
L’apparent légalisme des Occidentaux est couvert par des résolutions onusiennes convoquées à la carte et dare-dare par les puissances qui contribuent le plus à son budget. Or donc rarement un secrétaire-général de l’Onu n’aura été une girouette autant que Ban Ki-Moon. Pour son premier mandat l’énigmatique Sud-Coréen s’était fait un point d’honneur de satisfaire à tous les desideratas des puissances qui lui avaient octroyé l‘insigne honneur de diriger la prestigieuse organisation internationale. Ces dernières l’ont récompensé en lui concédant un second mandat. Mais Ban Ki-Moon continue d’accuser la servilité de celui qui s’attend à autre chose après.
Un troisième mandat ou un secrétariat-général à vie ? Ou seulement peut-être que l’homme a l’habitude de visiter les planchers. Au vrai nul ne comprend cet esprit de larbin de la part d’un secrétaire-général de l’Onu, fonction au demeurant à nul autre prestigieuse. Le pire en est que l’attitude apeurée de Ban Ki-Moon autorise que l’organisation qu’il dirige, l’Onu, soit instrumentalisée par qui veut et peut. Or donc le Français Sarkozy veut. Et s’il lui plait, quand cela lui plait, il peut !

Décompte final
La victoire de la rébellion libyenne sur Kadhafi n’est due qu’aux massifs bombardements de l’Otan sur les forces loyalistes. L’expédition, on s’en doute un peu, est fort onéreuse pour les forces de l’Alliance atlantique. Sauf à être naïf personne ne croit qu’un tel engagement militaro-financier a été décidé par amour pour les Libyens. À tant aimer les Africains l’organisation militaire occidentale aurait déjà réduit à néant les Al- Shabab- somme toute une poigné de va-nu-pieds ridicules face à la puissance de feu de l’Otan- pour éviter le désarroi actuel du peuple somalien. Plus qu’en Côte d’Ivoire et en Libye, les Somaliens meurent par milliers chaque jour à cause de l’obstruction que les miliciens Shabab font à l’aide humanitaire. Autrement le nombre de décès en Somalie serait considérablement moindre que ce quoi le monde assiste aujourd’hui. Or donc s’il faut se risquer à une explication : les Occidentaux ont encore frais en mémoire la déconfiture que la puissante armée américaine subit jadis face à d’intrépides seigneurs de guerre somaliens.
Pendant ce temps cette aide péniblement constituée- le coût d’une seule journée de bombardement en Libye suffirait à couvrir les 200 millions de dollars manquants aux 340 millions que réclame le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF)- ne parvient qu’au compte-goutte aux sinistrés. On peut donc s’étonner de la hiérarchie morale de priorité établie par l’Otan dans les différentes crises qui secouent l’Afrique. Qui des Libyens et des Somaliens ont le plus urgemment besoin d’être secourus ? Puisqu’il apparait impossible de faire efficacement les deux en même temps.
Par ce choix on ne peut plus trivial, le contrôle de la rente pétrolière libyenne contre le risque que 500.000 enfants meurent si l’aide ne leur parvient pas immédiatement, les Occidentaux ont raté là une belle occasion de manifester cette solidarité humaine qu’ils n’ont de cesse de professer aux autres. Car le droit de vivre (et de ne pas mourir de faim) est le plus fondamental des droits humains. Un droit au demeurant plus encré dans l’humanisme que la démocratie. Pis, même au moment où la rébellion libyenne a le contrôle de la presque totalité du pays, l’Otan met encore plus de zèle à en réduire les poches de résistance qu’à s’attaquer à cette tragédie participant des nuisances des Al-Shabab. Troublant.
D’ailleurs des voix commencent à s’élever de par le monde, surtout en France, pour fustiger cette anomalie, cette antinomie. Mais surtout pour exiger de l’Otan un décompte exhaustif de morts innocentes que son expédition libyenne aura coutées. Puisque la protection de la population civile devait nécessairement englober la préservation de la vie de tous. Que l’on se comptât des insurgés ou non. On a aujourd’hui l’impression que l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord a en Libye préservé autant des vies qu’elle en a emportée. Sinon plus.
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ
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