mardi, septembre 06, 2011

RD-CONGO: MOT D'ORDRE

D’être dictateur dans la Rome antique constituait un statut auquel les élites aspiraient. La veille de son assassinat par son fils Brutus, le général Julius Caesar- dit Jules César- avait ainsi sollicité auprès des sénateurs d’être reconnu comme le dictateur de Rome ! En raison de ses hauts-faits de guerre.
Or donc aujourd’hui, même le plus patenté des dictateurs répugne à être taxé de dictateur. Parce qu’en traversant le temps le mot s’est chargé d’opprobre et d’indignité ; pour ne plus désigner que des mécréants dans la compagnie desquels nul ne souhaite être surpris.
Les dictateurs en puissance, eux, cachent parfois si bien leur jeu qu’il est difficile de les reconnaitre avant qu’ils ne sévissent une fois au pouvoir. Trop tard hélas !
La prudence commande donc de scruter les faits et gestes de qui sollicite le suffrage suprême afin de s’éviter d’inutiles souffrances dans l’avenir. L’exercice, on s’en doute, comporte quelque malaise puisque l’observé- lequel se sait observé- se surveille afin de ne rien laisser transpirer de ses inclinaisons. Aussi c’est parfois dans les plis du comportement humain qu’il faut aller voir : dans des attitudes d’arrogance, et des postures de mépris, des phrases échappées d’un esprit acariâtre qui insupporte la contestation etc. Il faut scruter le sens caché de toutes ces "petites choses" auxquelles on ne prête d’ordinaire guère attention mais dans lesquelles s’enferme la mégalomanie, l’indication la plus révélatrice, parce qu’éprouvée, d’un dictateur en herbe. Lequel ne s’ignore jamais. Loin s’en faut.
Pour illustrer : un candidat à la présidence congolaise- tout le monde l’aura aisément reconnu dans l’ensemble des travers qui viennent d’être évoqués- a incité ses partisans de la diaspora à un curieux exercice. Cet émule de César a d’abord entrepris de révéler à ses fanatiques- le terme est mesuré- la puissance financière que les hommes et les femmes de la diaspora constituent auprès des leurs familles demeurées au pays. Pour ensuite leur demander sans ambages d’user de ce pouvoir économique "à bon escient". Ce qui dans l’esprit, et le verbe, de ce leader politique n’était rien d’autre qu’un appel à influencer le vote de ces "assistés familiaux" à son profit. L’incitation fut suggérée de la manière la plus explicite qui soit. Mais il dit plus, il exhorta ces fanatiques, non pas de sa cause mais de sa personne, d’user de menace s’il le fallait.
Or donc il en faut pour persuader sa famille au Congo de voter dans un sens plutôt que dans un autre. Autrement les vivres lui seraient coupés !
Une épée de Damoclès est désormais suspendue au-dessus des têtes récalcitrantes.
Au lieu que de convaincre les électeurs congolais l’homme a choisi la contrainte.
Au point de vouloir affamer ceux qui seraient tentés de ne pas voter pour lui.
Qui n’est pas pour moi est contre…soi-même.
Ce sont là des signes qui ne trompent pas. Ils figurent un esprit prêt à tout pour atteindre à ses intérêts personnels. La naïveté seule assure qu’une fois au pouvoir un tel quidam reviendra à des considérations plus… démocratiques. Et qu’il reconnaitra que chacun est libre de ses choix et opinions.
Le pire en est que cette option de la terreur a fait plus d’adeptes dans la diaspora que ne l’eut cru son propre auteur. Les uns et les autres soutiennent désormais mordicus que c’est là la seule façon d’offrir la présidence à leur dictateur. Et puisque les Congolais de l’étranger ne disposent pas du droit de vote, ils pourront disposer, la main sur la bourse à défaut de l’avoir sur l’urne, du vote des leurs familles qui dépendent de leurs transferts monétaires.
Beaucoup sont déjà prêts à suivre cette clairvoyante suggestion de la part d’un homme politique qui ne s’est jusqu’alors jamais illustré par des idées aussi clairvoyantes sur la direction de son pays. Mais quel genre de dirigeant sera demain un individu qui aujourd’hui s’autorise de pratiques aussi douteuses pour se faire élire ?
Tout est dans l’esprit. Or celui de ce candidat à la présence de la RDC ne présage rien de bon pour la vitalité démocratique de ce pays. Qu’il veuille forcer son destin- le temps lui est manifestement compté- est une chose. Mais d’ainsi vouloir forcer celui du peuple congolais atteint à l’usurpation et au coup de force.
Car une fois de plus l’homme s’est trompé de combat. Mais il en a l’habitude. Aujourd’hui il exporte la joute là où elle ne compte pas.
Et il est à ce point éloigné des réalités de ses concitoyens qu’il ignore que nul dans la diaspora n’aide sa famille politiquement !
Il ne lui reste plus alors qu’à demander aux Congolais, ainsi que jadis Jules César, de le choisir comme leur dictateur !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ