mardi, janvier 17, 2012

COTE D’IVOIRE

OUATARA OTAGE DU NOUVEL ORDRE SORO

By FoQus Media on Tuesday, January 17, 2012 at 6:12am
À Abidjan, c’est en catimini et en famille qu’on lave désormais le linge ensanglanté de la dernière guerre. Nul ne sait réellement ce qui s’y fait, sinon que "la situation s’améliore", aux dires du régime. On peut cependant imaginer ce qui s’y trame, car l’atmosphère y est délétère et propice à la cabale. Tout s’y prête : un président qui ne détient, des attributs de sa charge, que la seule légitimité lui conférée par l’Occident, telle une inutile onction. Alors que le sceptre du pouvoir se trouve fermement emprisonné dans les mains ambitieuses de son premier ministre !
Le président Alassane Ouattara, dont il y a peu on proclama un règne quasi messianique, ne fait déjà plus que cela : il règne. Sans gouverner.
Guillaume Soro est aujourd’hui le vrai maitre d’Abidjan. L’homme aura tôt compris- aux âmes bien nées la valeur n’attend pas le nombre des années- qu’en Afrique, et partout où la force brutale constitue la Loi, que les armes parlent plus haut que le droit. Mais aussi que les bonnes intentions se soumettent toujours au fait accompli. Dans la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui le président ne constitue en réalité qu’un faire-valoir, sinon qu’une sorte de faire-part qui annonce les décisions qu’il ne prend pas !

Nul ne peut l’en blâmer, il est seulement à plaindre, isolé dans sa tour d’ivoire, confiné au second rôle, relégué à la portion congrue d’un pouvoir qui ne lui aura appartenu que le temps d’une fausse révolution. Alassane Ouattara est un président pris en otage par la nouvelle configuration de son pays : la chute de Laurent Gbagbo a redistribué les cartes sans qu’il ait su tirer ni l’as, ni surtout le joker ! Or donc le joker c’est Guillaume Soro, tandis que les autres seigneurs de guerre se sont révélés des as ès exactions en tous genres, as de la rapine, du rançonnement, et de toutes sortes de méfaits dévolus à une république de bananes.
C’est cela le nouveau statu quo qui prévaut en Côte d’Ivoire, Ouattara ne l’avait pas vu venir tant il était obsédé par le fauteuil présidentiel. Il y est à présent assis pieds et poings liés.
Sans pouvoir s’en extirper pour gérer la Cité.

Le président ivoirien est un homme pétri de bonne volonté, il est soucieux de remettre son pays sur les chemins de sa prospérité d’antan. Ne serait-ce que pour mériter le satisfecit des Occidentaux, lequel vaut pour lui plus que toutes les récompenses. Mais ses prétentions sont entravées par l’encombrante "junte" qui l’entoure. Du premier ministre- lui-même ancien seigneur de guerre- aux hauts gradés de l’armée, le pays est livré à une soldatesque peu policée. Hormis quelques officiers supérieurs transfuges de l’armée ivoirienne et qui suivirent Soro dans sa rébellion des Forces nouvelles (FN) dès 2002, la nouvelle armée est un vrai fatras : des délinquants de droit commun y côtoient des tireurs à gages sanguinaires et des coupe-jarrets drogués, dans une joyeuseté de festival. Sauf que les uns et les autres portent des armes. Et s’en servent très souvent sur la population civile.
Malgré qu’il affiche une autosatisfaction de façade qui cache mal son malaise, le président se perd à trouver la solution à cet inextricable imbroglio.
Or donc son premier ministre, Guillaume Soro, a intérêt à ce que la situation demeure en l’état.
Il gage sur l’instabilité et l’insécurité pour garder ad vitae aeternam ses prérogatives à la primature. Surtout que le poste devait normalement revenir au PDCI de Henry Konan Bédié, allié opportuniste pendant la crise postélectorale ivoirienne.

Les soldats ivoiriens n’obtempèrent qu’aux seuls ordres de Guillaume Soro, raison pourquoi celui-ci détient également le ministère de la défense.
Jusqu’ici Bédié attendait sagement de récupérer "sa primature" une fois la pacification du territoire accomplie. Une pacification qui n’en finit pas de s’éterniser au grand dam du leader du PDCI. Le temps commence à sembler long à Henry Konan Bédié. Il piaffe d’impatience et se sent floué. Et rien, dans la situation sécuritaire actuelle du pays, ne suggère que le PDCI puisse jamais obtenir la primature. Bédié a assez d’expérience pour comprendre qu’en politique les alliances sont ponctuelles. Et que leurs bénéfices sont fidèlement proportionnels au rapport des forces. Depuis que le parti d’Alassane Ouattara, le Rassemblement des républicains (RDR), a remporté la majorité absolue au parlement, l’importance de Bédié a considérablement diminué aux yeux du président. Au point que celui-ci le paie aujourd’hui en monnaie de singe…
L’homme-clé c’est Soro ! Celui-ci est solidement installé en selle sans risque d’être désarçonné puisqu’il contrôle la force militaire.
C’est dire que l’alliance Ouattara-Bédié ne tient désormais presque…à plus rien !
Fort de son éclatante victoire aux législatives, le RDR surfe sur une vague de triomphalisme qui l’autorise d’agir comme un parti unique face à une opposition de façade. Surtout que le parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), s’est désengagé de tout processus politique.
Y compris celui, cher à Ouattara, de réconciliation nationale.

Quant à l’Occident auquel Ouattara doit tout, quoique ce dernier s’en défendit, il attend du régime ivoirien qu’il traduise en actes ses promesses de "justice pour tous", un leitmotiv dont le président ivoirien se prévalut imprudemment au lendemain de son installation au pouvoir par les forces de l’OTAN. Or donc depuis qu’il a livré Laurent Gbagbo à la CPI Ouattara n’en parle plus, comme si cette justice ne commençait et n’aboutissait qu’avec le transfèrement de son adversaire à La Haye. D’ailleurs jusqu’à présent seuls les membres du camp du président déchu ont eu maille à partir avec cette "justice des vainqueurs".
Puisque c’est ainsi qu’elle se présente aux yeux de tous : sélective, complaisante, clientéliste… bref nécessairement partiale parce qu’elle est au service du prince.
Tout semble indiquer que Ouattara fit alors une promesse inconsidérée dans l’euphorie de la victoire, un engagement qu’il n’a pas aujourd’hui les moyens d’honorer. Car cela lui exigerait d’aller débusquer, au sein même de l’armée, des ex-seigneurs de guerre qui y sont au demeurant déjà intégrés à des rangs supérieurs. Des hommes pour la plupart liés à Guillaume Soro par fidélité et donc par coresponsabilité. C’est-à-dire par le sort !
D’accuser les uns signifierait accuser l’autre.

Le tout puissant premier ministre ivoirien semble n’avoir eu d’autre choix, pour sauver sa peau, que celui d’assurer ses arrières. Guillaume Soro a su judicieusement placer ses pions dans l’armée afin de cadenasser les choses pour un impossible retour en arrière. Et ceci face à un président qui peine encore à revenir de ce fulgurant tour de passe-passe.
Or donc de briser ce "nouvel ordre Soro" risquerait de plonger le pays dans une crise dont Ouattara ne peut que sortir perdant. Raison pourquoi le président a opté pour le moindre mal.
Mais qui pourrait réellement l’en blâmer ? On ne gage pas sa vie sur de bonnes intentions. Fussent-elles nobles.
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ