jeudi, janvier 26, 2012

SYRIE : La Ligue aveugle des Arabes

By FoQus Media on Thursday, January 26, 2012 at 4:53am.

Depuis l’année dernière (2011) les présidents africains et arabes vivent dans la tourmente. Quelques dictateurs- ils le sont presque tous- ont été renversés ci et là. Plusieurs présidents sortants ont tenté la fraude devant les urnes ; et ont eu bien du mal à la faire accepter à leurs populations. Partout les despotes sont chahutés, contestés, ou priés de quitter le pouvoir. C’est le cas du Syrien Bashar-Al-Assad qui répond, par une sanglante répression, au soulèvement populaire dirigé contre le régime baasiste. Des observateurs de la Ligue arabe, les yeux bandés, ont été diligentés par les monarchies du Golfe pour y voir de plus près. Et ils n’y ont rien vu !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ

La situation n’est pourtant pas nouvelle : dictatures et fraudes électorales ont toujours caractérisé les régimes des pays du Sud, pour finir par en constituer un trait caractériel, dans le sens pathologique du terme. Mais cette fois-ci le "Printemps arabe" semble avoir jeté sur ces "accidents de l’Histoire" un éclairage aussi cru que nouveau. Au point de les rendre intolérables aux yeux des populations qui s’en étaient fort bien accommodés jusque-là. Des citoyens qui récusent désormais le statu quo en manifestant bruyamment dans les rues de Damas, Kinshasa, Moscou, le Caire, Dakar, Sana'a…
Si les effets de cette nouvelle ère étaient rétroactifs, ils auraient aussi frappé ceux des chefs d’États qui se trouvent désormais opportunément à l’abri de toutes turpitudes. Pour avoir fraudé les urnes avant les révolutions arabes !

Le président syrien lui ne s’embarrasse d’aucune convenance pour perpétuer le pouvoir Baas, fut-ce au prix d’une hécatombe dans le camp de ses opposants. Or donc la communauté internationale avait durement sévi sur les régimes iraquien et libyen pour infiniment moins que cela. Et l’alliée chiite iranienne ne semble pas non plus craindre grand-chose de la puissance de feu de l’Otan. Assurée qu’elle est que nul, à l’exception de Tel-Aviv peut-être, ne s’en prendra militairement au pouvoir des mollahs. C’est que, depuis la chute de Kadhafi survenu il y a quelques mois à peine, la situation internationale a évolué à la vitesse grand "V". Au Conseil de sécurité de l’Onu, Moscou et Beijing ne décolèrent pas contre Paris et Londres. En cause, l’utilisation jugée abusive que Français et Britanniques ont fait du mandat accordé par l’Onu à l’Otan. Mandat qui n’était censé concerner que "la protection des populations civiles". La suite est connue…
Depuis donc, Russes et Chinois ont juré qu’on ne les y reprendra plus…
Il y a également le fait que les présidents français et américain remettent leur mandat en jeu au cours de cette année 2012. Ils ont donc autre chose à faire que d’aller guerroyer contre les musulmans. D’autant que Barack Obama lui-même a revu à la baisse le budget de l’armée des États-Unis. Au passage- la pression des républicains aidant- le président américain a clairement exclu la possibilité, pour son pays, de mener à l’avenir deux guerres de front. Et que l’armée américaine, même si elle se devait de demeurer la plus puissante du monde, éviterait désormais les situations d’enlisement telles en Afghanistan et en Irak.

Nids de vipères
La nouvelle profession de foi américaine sonne comme une douce musique aux oreilles du président iranien Ahmadinejad. Ce dernier peut ainsi vaquer aisément à la nucléarisation de son armée sans craindre une attaque militaire des États-Unis.
En Syrie Bashar El Assad savoure la même partition. Raison pourquoi la répression contre les opposants ne faiblit pas. Et ce, même si les observateurs de la Ligue arabe sont présents dans le pays. Surtout que ces derniers semblent marcher sur des œufs, évitant soigneusement de regarder là où il faut, au point d’ignorer la sauvage répression qui se perpètre pourtant sous leurs yeux ! D’ailleurs dans leur rapport présenté au secrétaire-général de la Ligue- mission accomplie ! - les observateurs ont renvoyé dos à dos le pouvoir et les manifestants dans la commission des violences. Difficile à croire quand on sait que, contrairement à la Libye, la rébellion de l’opposition syrienne n’est pas une insurrection armée…
Mais l’Occident et la Ligue arabe savent bien que la Syrie est un nid de vipères qu’il convient de ne pas secouer trop vivement : L’actuel régime alaouite de Damas se situe à la confluence des équilibres religieux et communautaires entre chiites et sunnites musulmans. Or donc la dynastie des Assad- le parti Baas en est la représentation politique- a jusqu’ici su garantir la stabilité de l’imbroglio confessionnel qui a toujours prévalu en Syrie et au Proche-Orient.
Alliés aux chiites pour survivre, les alaouites, minoritaires dans le pays, ont ainsi réussi à éviter d’être éradiqué par la majorité sunnite. Les Assad ont dû, pour ce faire, agir par la répression et dans l’instauration d’un ordre dictatorial que l’Occident a toujours toléré.

Aujourd’hui de faire tomber le pouvoir alaouite syrien affaiblirait considérablement l’axe chiite au Moyen-Orient (Iran-Irak-Syrie et Hezbollah libanais). Une situation qui bénéficierait aux pétromonarchies sunnites du Golfe qui redoutent l’hégémonie d’un Iran détenteur de la bombe nucléaire. Des préoccupations somme toute très éloignées de la réprobation affichée par ces régimes sur la situation des droits humains en Syrie. Or donc ces pétromonarchies sunnites (l’Arabie saoudite et les Émirats arabes-unis en particulier) sont intervenues militairement pour mater la rébellion chiite au gouvernement sunnite du Bahreïn ! N’était-ce pas le même appel à la démocratie que celui des Syriens, Libyens, Tunisiens, Égyptiens ? À croire que le printemps arabe n’était pas sunnite…

Que ceux qui ont des yeux
C’est dans ce contexte, un cadre de références exacerbé par des intérêts antagonistes, qu’évoluent les observateurs de la Ligue arabe. On ne s’étonnera guère que l’envoi de ces observateurs en Syrie ait été l’initiative des pays du Golfe justement…
Les envoyés de la Ligue arabe semblent avoir reçu pour consigne de ne pas voir. Ou d’aller voir ailleurs…
Aussi, après les avoir vus…ne rien faire, de nombreux Syriens sont d’avis qu’ils ne servent que d’alibi à Bachar-Al-Assad. Puisqu’en acceptant des observateurs sur son territoire le régime syrien donne à savoir qu’il a accédé aux exigences de la communauté internationale. D’autant que dans leur premier rapport à la Ligue ces "témoins" n’ont jamais clairement incriminé le pouvoir de Damas. Le Dr Assad, bon prince, leur accorde un mois de plus afin qu’ils constatent, de leurs propres yeux, qu’il n’y a pas de répression en Syrie. Or donc ce jeu a son revers : tous les médias internationaux se sont engouffrés dans la brèche ouverte en Syrie par les observateurs de la Ligue. Le monde entier peut donc voir ce qui s’y fait, les exactions commises par le gouvernement baasiste, on peut désormais voir ce que le président Bachar-Al-Assad nie !
Les monarchies sunnites du Golfe n’auraient pas pu trouver meilleur stratagème pour diaboliser le régime alaouite de Syrie aux yeux du monde. Et ce, sans jamais avoir elles-mêmes à l’attaquer de front ! Si le fils d’Hafez-Al-Assad survit à cette insurrection somme toute déclenchée par la majorité sunnite du pays, il se radicalisera. Et renforcera son alliance avec le chiisme iranien et irakien dont il dépend plus que jamais. Pour consolider une force politico-communautaire considérable et dont les Sunnites ont déjà raison de s’inquiéter ; eux qui ne comptent que sur l’Occident pour exister.
Au final il y a lieu de se demander si le statu quo en Syrie n’est pas préférable aux dangereux bouleversements qu’entrainera fatalement la chute de Bachar-Al-Assad.
Qui vivra verra !
EMERY UHINDU-GINGALA GINGANJ






.